Les Cabarettistes : « Les galops du Cheval d’Or », époustouflant spectacle-florilège

Spectacle donné au Forum Léo-Ferré à Ivry-sur-Seine le 20 mars 2016

Texte de la chronique dans NosEnchanteurs par François Bellart

Retrouver l'article sur le site de NosEnchanteurs : les-cabarettistes-les-galops-du-cheval-dor-epoustouflant-spectacle-florilege

Ils sont dix et ils ont du talent puissance dix ! Une véritable troupe où, en dehors des musiciens spécialisés sur leur instrument, chacun est polyvalent. Une passion les habite dans ce spectacle exemplaire : retourner ensemble aux racines et aux fondamentaux de notre bonne chanson, telle qu’elle s’est construite à l’ère bénie des cabarets des années cinquante et soixante. Le lien s’est fait naturellement avec Gilles Tcherniak, l’infatigable animateur de Forum Léo-Ferré, dont la mémoire est imprégnée des souvenirs du Cheval d’Or gouverné par ses parents. Il a pu donner tous les détails et documents qui leur ont permis ensemble de construire et de mettre en scène ce spectacle qui reconstitue, le temps d’une soirée, cet esprit et cette ambiance. Et c’est une réussite sensationnelle qui ne peut tromper ceux qui ont vécu cette époque !

Les ingrédients de ce succès ? Le choix des dix-huit chansons : cinq titres arrachés à l’oubli signés Jean-Pierre Suc, l’âme artistique du Cheval d’Or et, avec Henri Serre, sa première vedette. D’autres de Roger Riffard, de Boby Lapointe (et pas toujours les plus connus), de Daniel Prévost, de Pierre Louki (L’inénarrable Môme aux boutons, mais aussi la subtile Mes copains donnée en bis), de Ricet Barrier et d’Anne Sylvestre, représentante de la partie féminine de la programmation du cabaret ! Et des sketches d’humoristes parmi lesquels Avron et Evrard et Raymond Devos, des monologues poétiques de Pierre Maguelon dit Petit Bobo récités à la chandelle et aussi, belle idée, des reconstitutions d’émissions de la télévision noir et blanc naissante, dont des séquences du « Petit Conservatoire de la Chanson » de la cassante Mireille ! Tout cela fait l’objet d’une construction bien solide couvrant les trois périodes de la vie de l’établissement : avec Jean-Pierre Suc, après son suicide discrètement évoqué et enfin les derniers galops avant la fermeture en 1969. Mais le fleuron de ce spectacle, c’est sa mise en scène collective : la distribution symboliques des rôles (Henri Serre est joué par une jeune comédienne blonde !) ; les glissements entre les interprétations individuelles et collectives, au firmament desquelles il faut placer Comment je m’appelle d’Anne Sylvestre et la formidable interprétation toute en ondulations de flagelles des 300 millions de Ricet Barrier et Bernard Lelou ; enfin, cette complicité entre tous les protagonistes, cette joie de vivre qui transparaît et qui réinvente le climat heureux et détendu qui existait dans la petite salle. Cerise sur le gâteau, si on peut dire puisqu’il s’agit de gastronomie, les trois séquences sont séparées par des tartines d’houmous ou des charlottes aux pommes distribuées dans le public par les comédiens mués en serveurs le temps d’un interlude !

Ces jeunes artistes, dont la moyenne d’âge ne doit pas excéder la trentaine, n’ont pas connu les cabarets de ces années-là. Et pourtant, par leur investissement dans ce projet, ils ont su en retrouver intacts la dynamique, la vivacité, les alternances de rire franc (« la conférence » d’Avron et Evrard), de bonheur textuel et musical, et d’émotion profonde (Lazare et Cécile avec une voix masculine). Au-delà d’une démarche de mémoire, ils ont montré que la qualité des spectacles de ces petits lieux pouvait encore avoir un écho favorable aujourd’hui, et ce n’est pas leur moindre mérite.

Retour à la page Hommages
Retour à la page d'accueil du site Jean-Pierre Suc